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Infrastructure ferroviaire : Attention à ne pas dérailler

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Posté le 16/12/2013
Articles de fond

Le 4 février prochain, le peuple suisse sera appelé à voter sur le projet de financement et d’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF) élaboré par la Confédération. Conçu comme un contreprojet direct à l’initiative de l’Association transports et environnement (ATE) dite « pour les transports publics », le FAIF sera soumis seul en votation puisque, l’ATE s’étant déclarée satisfaite du projet, elle a retiré son initiative.

Le FAIF est ni plus ni moins appelé à définir l’aménagement et le financement de l’infrastructure ferroviaire pour les décennies à venir. Et la région lémanique, qui accuse un retard manifeste dans le développement de ses infrastructures ferroviaires, jouera gros. Afin d’accompagner au mieux le développement économique et démographique de toute la région, il convient en effet de rattraper ce retard. La CCIG soutient ce projet, avec quelques réserves liées à son financement.

Les deux volets du FAIF

Le FAIF se compose d’un volet « financement », le Fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF), et d’un volet « aménagement », le Programme de développement stratégique (PRODES). Une acceptation du FIF lors de la votation de février 2014 validera la première étape du PRODES, soit les projets d’aménagement à réaliser d’ici 2025, pour un montant de 6,4 milliards de francs.  Le FIF, dont l’architecture est résumée dans le graphique ci-dessous, se trouve au cœur du projet FAIF.

 

 FAIF

Actuellement, la Confédération finance le rail par le budget général de la Confédération et par le Fonds pour les transports publics (FTP), fonds temporaire alimenté par la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP), l’impôt sur les carburants et 0,1 % de TVA.

Le FIF remplacera le FTP. Il sera alimenté par les sources suivantes :
- recettes du FTP actuel ;
- 2,3 milliards de francs issus du budget général de la Confédération ;
- 2 % des recettes de l’IFD perçu sur le revenu des personnes physiques, « compensées » par un plafonnement de la déduction des frais de transport à 3000 francs pour les contribuables ;
- 0,1 % de TVA supplémentaire entre 2018 et 2030 ;
- contribution supplémentaire des cantons de 200 millions de francs par an. 

Enfin, une part des charges du rail sera aussi couverte par une hausse de prix du sillon de 300 millions de francs, assumée par les entreprises de transport et leurs clients.
Du côté des dépenses, le FIF est appelé à financer les frais d’exploitation et d’investissements liés aux infrastructures ferroviaires. En parallèle, il devra rembourser les avances de trésorerie faites par la Confédération ces dernières années au fonds FTP actuel.

Impact important sur l’arc lémanique

Dans la ligne des grands projets ferroviaires et autres programmes d’aménagement (Rail 2000, ZEB, NLFA, etc.), le Conseil fédéral a élaboré le PRODES, un programme complet d’aménagement à réaliser d’ici 2050 et devisé à 42,5 milliards de francs. Le PRODES est divisé en étapes d’aménagement successives, ce qui devrait lui permettre d’être réactif par rapport à l’évolution des besoins.

Le projet en votation comprend les mesures de la première étape d’aménagement du PRODES. Dans le projet initial soumis en 2012 par le Conseil fédéral, le paquet proposé prévoyait des mesures d’aménagement pour un total de 3,5 milliards de francs. Le Parlement a estimé que cette première étape était trop timide et décidé d’y inclure une série de projets supplémentaires pour un total de 6,4 milliards de francs.

L’impact de FAIF pour la région sera important. La première étape PRODES comprend en effet le projet d’extension de la gare de Cornavin et l’augmentation de la capacité de la ligne Lausanne-Genève par la construction d’installations de dépassement sur territoire vaudois.

 L’extension de la gare de Cornavin est un projet de première importance pour Genève. Dès la mise en service du CEVA et avec la cadence accrue des RER régionaux, la gare actuelle arrivera en effet aux limites de sa capacité. L’agrandissement prévu permettra notamment de développer encore l’offre régionale et internationale. Des entreprises aux pendulaires, tout le monde y trouvera son compte.

Quelques défauts tout de même
Pour autant, le FAIF n’est pas sans défauts. L’enveloppe du PRODES globale se monte à 42,5 milliards de francs, une somme considérable. Les projets proposés sont classés selon leur caractère d’urgence. S’il convient évidemment de soutenir le développement du rail, au vu des montants considérés, il faudra veiller à ce que le choix des projets à réaliser se fasse selon des critères clairs de rapport coût-utilité.

 Ensuite, le mécanisme de financement proposé avantage le rail de manière disproportionnée. Le FIF sera en effet illimité dans le temps et se verra accorder une enveloppe au contenu prédéfini, indépendamment de la conjoncture ou d’éventuelles évolutions des priorités. On peine à comprendre pourquoi le rail devrait être favorisé à ce point. Surtout, si l’on cherche par-là à assurer le développement des infrastructures de transport du pays, objectif louable en soi, il n’est pas acceptable que le rail soit à ce point avantagé par rapport à la route. Le développement des infrastructures routières réclame également des investissements conséquents et garantis sur la durée. C’est pourquoi les associations économiques demandent la mise sur pied d’un financement analogue pour la route (voir plus bas). C’est là une question d’équité et d’équilibre.

Un financement croisé

Le FAIF prévoit de cimenter une partie du financement du rail par la route puisque le « détournement » de la majorité des recettes de la RPLP est maintenu. Ensuite, le plafonnement des déductions pour frais de transport dans le calcul de l’impôt fédéral direct concernera bien plus les usagers de la route que ceux du rail. Or, un tel subventionnement croisé n’est pas conforme à la logique économique et se traduit par une incitation à la surconsommation de prestations et à des investissements excessifs.

Une consolation néanmoins : il est prévu que l’impôt sur la consommation des carburants et son supplément, qui nourrissent aujourd’hui le FTP, cesseront d’alimenter le FIF à l’horizon 2030 environ. Saluons ce début de désenchevêtrement des financements croisés du rail par la route.

Ne pas oublier la route

Le réseau routier connaît lui aussi un engorgement croissant. Or, si la part modale du rail est appelée à croître, l’Office du développement territorial confirme qu’en termes de personnes-kilomètres, les transports individuels motorisés resteront trois fois plus importants que les transports publics (tous modes confondus) en 2030.

La Confédération s’est récemment prononcée en faveur de la création d’un Fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération (FORTA), soit le pendant routier du FAIF : un fonds à durée illimitée destiné à financer les investissements, l’entretien et l’exploitation des routes nationales et les contributions au trafic d’agglomération.

Les associations économiques se réjouissent de cette intention. Les modalités exactes du projet n’étant pas encore connues, la prudence demeure de mise. Il faudra veiller à ce que le produit des nombreux impôts et autres taxes dont s’acquittent les usagers de la route soit bien alloué à l’infrastructure routière et non à des postes budgétaires n’ayant que fort peu de rapports avec le domaine routier.

Malgré les défauts décrits plus haut, la CCIG soutient le FAIF, car le projet est indispensable à l’amélioration de la desserte ferroviaire lémanique. Il conviendra cependant d’être vigilant au moment de l’élaboration du futur FORTA afin que le secteur routier soit (enfin) mis sur un pied d’égalité avec le rail. La Confédération se doit de considérer le développement des capacités des deux secteurs sous l’angle de la complémentarité et d’un réel calcul coût-bénéfice et non sous l’angle étroit de la seule promotion du rail au détriment des autres modes de transport.

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