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Féminisation des Conseils d’administration : la prophylaxie du Conseil fédéral

CCIG
Posté le 26/10/2016
Articles de fond

L’inégalité hommes-femmes compte parmi les discriminations les plus anciennes et tenaces. Dans une majorité de pays, les femmes accèdent encore difficilement à certains postes dirigeants. Du côté de la Suisse, c’est une bûche bien indigeste que le Conseil fédéral a servie, lors du dernier dîner de Noël.

Au menu des festivités, les résultats de la procédure de consultation afférente au projet de révision du droit de la société anonyme. Cette révision traite, entre autres, du renforcement des droits des actionnaires, de la transparence dans le secteur des matières premières, de l’assouplissement des dispositions sur le capital et sur la fondation et, enfin, des quotas pour la représentation des sexes. C’est ce dernier point qui fait l’objet des développements qui suivent. Le CCIGinfo reviendra sur les autres thèmes de la révision dans des bulletins ultérieurs.

On reste coi devant la pauvreté de la réflexion et des arguments du Conseil fédéral. Aussi, c’est sans surprise que les participants à la procédure de consultation ont massivement rejeté la proposition. Malgré cela, le Conseil fédéral persiste et soumettra à la fin de l’année son message au Parlement, lequel devrait ainsi imposer un pourcentage de femmes de 30 % dans les Conseils d’administration et de 20 % (au lieu de 30 %) dans les organes de direction des sociétés concernées. C’est au Parlement qu’il reviendra de décider si la mesure promeut ou dessert les femmes.

Jusqu’à nouvel avis, il n’appartient pas au secteur privé d’assurer la poursuite du bien collectif, ni de suppléer l’Etat dans l’échec de ses politiques. La poursuite du bien collectif est et doit rester exclusivement du ressort des autorités et de la législation publique. Toute ingérence de cette nature dans les rapports privés porte atteinte à la liberté économique et contractuelle qui fait le terreau et l’attractivité de la Suisse. En l’espèce, le quota proposé par le Conseil fédéral n’est évidemment assorti d’aucune mesure d’accompagnement, voire de sanction en cas de non-respect. Si bien que ni les conditions cadre, ni les mentalités ne vont évoluer de sorte à permettre aux femmes de prendre leur place naturelle.

N’allez pas vous méprendre, l’auteur de ces lignes est un farouche défenseur de l’égalité des sexes et promeut très énergiquement les femmes dans son entourage professionnel.

Force est toutefois de constater que cette proposition est à ce point simpliste qu’elle a privé le Conseil fédéral d’une réflexion globale sur la composition des Conseils d’administration. C’est pourtant dans cette direction que l'exécutif aurait pu tourner son regard. La composition des Conseils d’administration soulève nombre de questions qui, à elles seules, permettraient largement d’assurer la représentation des femmes, et ce de manière raisonnée. Qu’en est-il de la diversité (au sens large) au sein des Conseils d’administration, du processus (professionnel) de recrutement des administrateurs, des règles de renouvellement des membres, de la formation initiale et continue des administrateurs, de la présence d’administrateurs indépendants, de la professionnalisation des membres des Conseils d’administration ou encore de l’évaluation des performances tant collectives qu’individuelles ? Pour toutes ces questions, pourtant bien plus largement débattues par les intéressés que celle des quotas, pas l’once d’une réflexion...

Le bon fonctionnement d’un Conseil d’administration résulte d’une alchimie très subtile. S’il y avait une recette miracle, il y a longtemps que cela se saurait. Une réflexion globale aurait eu le mérite d’en examiner chaque ingrédient. A charge ensuite pour les sociétés de trouver leur formule magique. Mais à cet égard, pas un mot, juste un quota.

Vincent Tattini, Wattlaw


Les quotas, une aussi mauvaise idée que ça ?

Force est de constater que la Suisse est très en retard dans la représentation féminine dans les entreprises. D'après une enquête de Crescendo Marketing Institute, les femmes occupaient, en 2012, 11,6 % des sièges dans les Conseils d’administration. Ce qui place la Suisse en-dessous de la moyenne européenne, à la 12e place. Les pays scandinaves sont en tête, suivis par la France et la Grande-Bretagne.

Après le lancement du débat sur les quotas par la Confédération fin 2015, l’opposition a été massive. Pourtant, presque toute l’Europe a déjà pris des mesures, accompagnées, on le voit, de résultats assez convaincants. Si une entreprise dispose d’un leadership féminin, ses performances augmentent. Parmi les nombreuses études, on trouve celle de l’Institut américain Peterson, qui a sondé 22 000 sociétés dans 60 pays. Le verdict est sans appel : les bénéfices sont en moyenne 15 % plus élevés s’il y a une directrice générale aux commandes ou une forte représentativité féminine dans les Conseils.

La femme contribue au succès
La diversité des sexes aux postes de direction améliore le rendement et la performance. C'est ce que tend à prouver l'étude Credit Suisse Research Institute 2014. Une plus grande mixité, ainsi qu’une meilleure représentativité aux postes-clés cassent ainsi l'image traditionnelle de prudence financière de la femme. On peut dès lors se demander ce qui explique ce constat : ou les entreprises plus prospères engagent davantage de femmes, ou les femmes choisissent de travailler dans des entreprises à succès, ou encore les femmes améliorent directement la performance des sociétés. La combinaison des trois options est le plus vraisemblable.

Cette étude s'appuie sur les données de 28 000 cadres supérieurs, dont 3700 femmes. Dans le détail, on voit qu'entre 2012 et 2014, les entreprises dont la capitalisation boursière dépassait 10 milliards de dollars et avec au moins une femme au Conseil d'administration ont enregistré une surperformance de 5 %. Et cela, quel que soit le secteur d'activité.

Une intention qui ne date pas d’hier
Cela fait 15 ans que le droit des sociétés anonymes fait l'objet d'une révision. L'épisode le plus marquant est sans doute la récente acceptation de l’initiative Minder. Le Conseil fédéral veut terminer sa révision à la fin de l’année. Le projet sera présenté dans la foulée aux Chambres fédérales. Mais ce n'est pas tout : passé le délai référendaire, il faudra adapter plusieurs ordonnances, dont celle sur le registre du commerce. Ce qui amène à une entrée en vigueur en 2021. Reste encore un délai de cinq ans à respecter pour les Conseils d’administration et dix ans pour les directions générales, soit 2031 ! Mais d'ici là, un PDG sur cinq sera une femme, ce qui rendrait alors caduque la proposition de quotas.


Le pour et le contre des quotas

Objectivement, l’adoption de quotas féminins dans la loi comporte une série de points positifs :
• C’est un rééquilibrage des femmes face à la surreprésentation des hommes.
• Les quotas forcent les dirigeants réfractaires à le faire et à trouver de bonnes candidates.
• Les femmes élues deviennent des modèles pour leurs pairs.
• Les quotas n’empêchent pas une liberté de choix générale.

Mais il y a plusieurs revers à cette mesure :
• Les quotas sont discriminatoires envers les hommes.
• Les quotas peuvent mener à moins de compétences.
• Les femmes élues par quota n’ont souvent pas de pouvoir réel.
• Les quotas ôtent une liberté de choix et deviennent une valeur « plafond », et non « plancher ».
• Les quotas faussent la donne car ils créent une compétition inter-féminine supplémentaire.

 

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