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Préférons avant tout le bon sens !

Nathalie Hardyn
Published on 30/11/2016
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« A compétence égale, les candidatures des Suisses doivent primer sur celles des autres » : la préférence (ou priorité) nationale cristallise décidément toutes les passions. D’autant plus que la conjoncture n’épargne plus aucun secteur. C’est vrai, la Confédération doit jouer à l’équilibriste entre respect de la volonté populaire (le fameux 9 février) et accords bilatéraux. Mercredi, c’est au tour du Conseil des Etats de se prononcer : va-t-il suivre le National et sa version de « préférence indigène light » ? Ou va-t-il se laisser tenter par le modèle de Philipp Müller ?

A l’instar de la Fédération des Entreprises Romandes, la CCIG n’est pas convaincue par la proposition du PLR argovien. Selon lui, il faudrait grosso modo que les employeurs communiquent tous les postes vacants aux offices de placement. Les résidents seraient informés en priorité et le patron devrait justifier tout « échec de placement ». Ce modèle a deux gros défauts : il est hyper-bureaucratique et il s’applique mal à nos innombrables PME. On n’a pas les mêmes impératifs à Plan-les-Ouates qu’à Schwytz, pas les mêmes moyens dans une multinationale que chez un artisan. Certes, on est obligé de tenir compte des injonctions populaires. Mais risquer de se mettre à dos les partenaires européens, et les marchés qui vont avec, n’en vaut pas la chandelle.

Il faut avant tout faire appel au bon sens et enjoindre les entrepreneurs à agir avec responsabilité. S’ils en ont la possibilité, autant qu’ils puisent dans le savoir-faire local. Mais s’ils ne trouvent pas les profils adaptés, la libre-circulation des personnes existe encore ! Pourquoi tout justifier, passer son temps à dresser des listes, en attendant l’aval des administrations ? Notre économie n’a pas le temps pour ça.

J’ai déjà souligné les limites de la priorité nationale dans un article paru dans le « Tages-Anzeiger » et qui pointe le cas particulier de Genève avec ses frontaliers. Sans céder au dumping d’une main d’œuvre plus « malléable », ne tombons pas non plus dans l’excès inverse, qui à son tour deviendrait discriminant…

2 comments

Schmitz
Published on 01/12/2016
Madame, Mais malheureusement le dumping salariale existe bien et de plus en plus depuis 10 ans! Allez voir les secteurs hospitaliers, la restauration, l'industrie horlogère et tout ça à Genève. comment pouvez-vous expliquer que de plus en plus de directeurs (trices) RH soient des français? A croire qu'à Genève nous n'avons pas compétence à former correctement ce genre de cadres! Le plus triste et dommageable, c'est qu'une fois qu'un français, non frontalier de souche, occupe un poste décisionnaire, il fait venir ces copains, et licencie les suisses, pour leur laisser ces postes devenus vacants! Je ne l'invente pas, il y a beaucoup de témoignages dans ce sens. Même à l'Etat un français pour obtenir un travail s'il vit en zone frontalière et ça ce n'est pas normal. Je vous mets au défi de trouver un étranger en France ne vivant pas sur le territoire et qui soit fonctionnaire!
Nathalie Hardyn
Published on 01/12/2016
Même si on évoque souvent des cas particuliers semblables à ceux que vous mentionnez, aucune statistique officielle ne vient confirmer ces « on dit ». À Genève, l’Observatoire universitaire de l’emploi a analysé ce qu’il serait advenu du marché suisse du travail s’il y avait aujourd’hui le même nombre de travailleurs étrangers qu’avant la libre circulation. En cliquant sur ce lien (https://www.migrosmagazine.ch/societe/entretien/article/la-libre-circulation-ne-fait-pas-baisser-les-salaires-yves-fluckiger), vous verrez que la libre circulation n’a pas fait baisser les salaires. Il y a effectivement une augmentation de la concurrence pour les places vacantes et les personnes qui en pâtissent le plus ne sont pas des Suisses qui se feraient licencier, mais les chômeurs de longue durée, car les employeurs ont tendance à écarter les gens qui ne sont pas employés lors du premier tri des dossiers. Selon le 12e rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE qui traitait des répercussions de la libre circulation des personnes sur le marché suisse du travail (paru en juillet dernier), on ne saurait exclure une hausse de la concurrence dans certains segments du marché induite par l’immigration, cependant les résultats ne sont pas explicites, ce qui reflète la difficulté fondamentale d’isoler l’influence de l’immigration des autres composants propres aux résultats du marché du travail des diverses catégories de travailleurs. Dans le canton, un nouvel outil de contrôle du marché du travail a été créé, il s’agit de l’Inspection Paritaire des Entreprises (IPE) qui est le fruit d’une négociation entre les partenaires sociaux (Communauté genevoise d’action syndicale et Union des associations patronales genevoises) et l’Etat (notamment le département de l’économie et de la sécurité). L’IPE compte 24 inspecteurs et sa tâche est de détecter les éventuelles dérives qui faussent les règles du jeu et de la concurrence sur le marché du travail. Enfin, il faut quand même rappeler que les Genevois ont rejeté l’initiative sur l’immigration de masse à plus de 60% et que notre économie, si elle est en meilleure santé que celle des pays voisins, c’est aussi parce qu’elle a su attirer de tout temps de la main-d’oeuvre qualifiée ou pas, déjà dans les années 60 avec les Italiens, les Espagnols et les Portugais.

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