Enquête conjoncturelle d’automne 2025
Géopolitique : l’industrie genevoise sous forte pression
Note préalable concernant la décision de principe visant à abaisser les droits de douane de 39 % à 15 %
Depuis la finalisation de cette enquête, les États-Unis et la Suisse ont annoncé un accord de principe visant à ramener les droits de douane américains sur plusieurs produits suisses de 39 % à 15 %. Cette évolution constitue un allègement notable par rapport au niveau initial, mais elle ne représente pas, en elle-même, une amélioration substantielle des conditions-cadres pour les entreprises exportatrices : un taux de 15 % demeure élevé dans un environnement marqué par une concurrence internationale forte, l’érosion des marges et un taux de change défavorable aux exportateurs genevois. Tant que l’accord n’est pas en vigueur, les entreprises restent confrontées aux conditions actuelles, et la pression sur l’industrie ne faiblira que partiellement une fois la baisse appliquée. Enfin, indépendamment du niveau tarifaire, l’instauration de mesures protectionnistes entre grandes économies pèsera sur la conjoncture mondiale et sur les échanges, avec des répercussions pour la Suisse. Les résultats présentés dans ce communiqué demeurent par conséquent d’actualité.
Les entreprises genevoises résistent, mais la confiance s’érode
L’économie genevoise reste solide, mais les signaux de ralentissement s’accumulent.
L’enquête conjoncturelle d’automne 2025 de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG), menée auprès de 321 entreprises représentant plus de 20 000 emplois et couvrant des secteurs d’activité variés, met en lumière une conjoncture en apparence stable, mais marquée par la stagnation des salaires, la prudence des recrutements et la détérioration du climat industriel.
Les tensions géopolitiques, les hausses tarifaires et le ralentissement mondial pèsent désormais directement sur l’activité.
Salaires et emploi : la dynamique s’essouffle
En 2025, la hausse moyenne des salaires s’est limitée à +1,1 %, bien en dessous des attentes formulées un an plus tôt.
Pour 2026, la progression moyenne des salaires devrait être légèrement plus élevée (+1,2 %). En revanche, 42 % des répondants indiquent qu’ils ne pourront pas augmenter les salaires l’année prochaine.
Les 13e salaires et primes demeurent fréquents, mais la dynamique salariale est clairement en berne.
Sur le front de l’emploi, 49 % des emplois se trouvent dans des entreprises en croissance, tandis que 23 % sont liés à des entreprises en recul — ce qui signifie qu’un quart des emplois des entreprises répondantes dépend d’acteurs déjà en difficulté.
Les prévisions pour 2026 confirment un net ralentissement : 76 % des entreprises anticipent une stabilité de leurs effectifs, 16 % une hausse et 7 % une baisse.
Un environnement géopolitique qui fragilise l’économie
Plus d’une entreprise sur deux (54 %) déclare être affectée par l’instabilité géopolitique.
Dans l’industrie, cette part atteint 74 %.
Les droits de douane américains imposés aux produits suisses figurent parmi les préoccupations majeures : plusieurs entreprises exportatrices voient leurs marges s’amenuiser, leurs débouchés se restreindre et leurs stratégies de prix bouleversées.
Les baisses de commandes (62 %), perturbations logistiques (21 %) et hausses du coût des importations (15 %) témoignent d’un choc commercial durable.
Un tiers des entreprises a dû adapter sa stratégie, souvent par restructuration, diversification ou recentrage sur le marché local.
L’industrie en première ligne des difficultés
Le tissu industriel genevois, pourtant essentiel à la diversité économique du canton, traverse une phase critique. Près d’un tiers des entreprises industrielles déclarent une baisse de leurs marges, contre 21 % dans les services. Moins d’un tiers des entreprises ont engagé ou prévoient d’engager des dépenses. L’industrie investit proportionnellement près de deux fois plus que les services. Si le nombre d’entreprises prêtes à investir reste stable, le volume total des investissements recule nettement de 22 %, signe d’une prudence accrue. Quant à la baisse annoncée des investissements à l’étranger, elle reflète surtout la fin d’un pic exceptionnel en 2025, marqué par une hausse de plus de 1100 % par rapport à 2024. Cela pourrait indiquer que les entreprises ont privilégié des opportunités extérieures stratégiques pour se prémunir de l’instabilité actuelle.
Les perspectives pour 2026 demeurent faibles : peu d’emplois créés, marges fragiles et incertitude persistante.
Des services plus stables, mais pas épargnés
Le secteur tertiaire, qui représente près de 80 % de l’emploi cantonal, continue de jouer un rôle d’amortisseur. Les entreprises de services affichent des marges globalement plus stables et maintiennent une dynamique d’activité plus soutenue, tout en orientant davantage leurs investissements vers le marché local. Elles ne sont toutefois pas épargnées par le ralentissement : les hausses salariales restent mesurées (+1,0 % en moyenne) et les perspectives d’embauche se resserrent, seules 16 % des entreprises prévoyant une augmentation de leurs effectifs en 2026.
Perspectives en recul, marges sous tension
La conjoncture actuelle reste majoritairement jugée satisfaisante, 78 % des entreprises qualifiant la marche de leurs affaires de “satisfaisante” à “bonne ou excellente”. Les perspectives se dégradent toutefois nettement : à 6 mois, seuls 29 % restent optimistes et 27 % des emplois se trouvent dans des entreprises anticipant une situation “médiocre ou mauvaise” (contre 16 % aujourd’hui). L’industrie exportatrice apparaît la plus vulnérable, 14 % des industriels s’attendant à une situation “mauvaise” (3 % dans les services), dans un contexte où les droits de douane américains de 39 % pèsent sur la compétitivité. Enfin, les marges d’autofinancement montrent des signes de tension : 23 % des entreprises les jugent “mauvaises ou médiocres”, contre 46 % “bonnes ou excellentes”, signalant des capacités financières globalement préservées mais fragilisées pour une part significative du tissu économique.
Note méthodologique
L’enquête conjoncturelle de la CCIG a été réalisée entre le 28 août et le 4 octobre 2025, en collaboration avec les Chambres latines de commerce et d’industrie (CLCI). À Genève, 347 entreprises, représentant plus de 20'000 emplois dans le canton ont répondu à l’enquête.
Documents
Communiqué de presse avec graphiques
Contact
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