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Davantage de femmes dans l’entreprise, c’est tout bénéfice !

ccig@admin
Posté le 16/01/2014
Articles de fond

 

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le maintien à long terme d'un revenu élevé par habitant en Suisse implique d’augmenter la productivité du travail. Les mesures préconisées comprennent l’amélioration de l'intégration des groupes défavorisés sur le marché du travail et notamment des femmes.

 

Le dynamisme considérable de notre économie se traduit par une demande de main-d’œuvre toujours plus forte. Or, les entreprises peuvent tirer un grand bénéfice du vaste potentiel économique des femmes. Un certain nombre d’outils sont à la disposition des entreprises genevoises qui souhaiteraient développer la présence des femmes.

 

Peu de femmes dans les sphères dirigeantes

Le taux d'activité des femmes en Suisse est élevé comparé aux autres pays de l’OCDE : 78,5 % contre 60 %. Toutefois, la part du travail féminin à temps partiel y est également une des plus élevées au sein de l'OCDE. A Genève, elles participent largement au marché de l’emploi puisque 56 % d’entre elles sont actives (contre 70 % des hommes), mais elles sont fortement sous-représentées dans les fonctions dirigeantes.

En 2010, à Genève, la majorité des femmes exerce une activité lucrative sans fonction hiérarchique (66,3 %), les hommes sont 44,9 % dans ce cas. Les femmes sont également moins nombreuses (6 %) que les hommes (10,4 %) à être membre de la direction de l’entreprise. Parmi les 8 % de cadres supérieurs que compte l’ensemble des salariés du secteur privé, seulement 21 % sont des femmes, alors même que notre canton héberge des écoles de très haut niveau et que les femmes y poursuivent de très bonnes études. Ce faible taux de femmes hautement rémunérées est notamment dû au phénomène dit du « plafond de verre ».

 

Femmes très présentes dans les entreprises genevoises

Si le taux d’hommes actifs n’a pas beaucoup varié à Genève ces 50 dernières années, il a considérablement augmenté chez les femmes puisqu’il se situait à 37 % en 1960.

En 1997, à Genève, on comptait 41,7 % de femmes parmi la population active de formation tertiaire. Cette part féminine a atteint 49,3 % en 2010.

Au niveau des professions exercées, la progression des femmes a été la plus significative dans les métiers intellectuels et scientifiques, où leur part est passée de 35,3 % en 1997 à 46,8 % en 2010.

Les femmes sont cependant toujours largement majoritaires (à plus de 60 %) dans les secteurs suivants : activités médicales, sociales et soins, soins corporels et nettoyage des vêtements, activités pédagogiques, nettoyage et hygiène publique, secrétariat et « backoffice », vente. Seuls deux domaines comptent une majorité de femmes cadres supérieures, celui des « activités médicales, sociales et soins » ainsi que des « activités pédagogiques », tous deux par ailleurs largement féminisés.

Enfin, le travail à temps partiel est une caractéristique de la vie professionnelle des femmes, qui les handicape souvent dans leur carrière.

 

Toujours des disparités salariales

Les femmes sont surreprésentées parmi les bas salaires : elles comptent pour 62 % des personnes gagnant moins de 4000 francs par mois. Plus le salaire augmente, plus elles se raréfient : on ne dénombre que 30 % de femmes parmi les salariés touchant plus de 10 000 francs par mois et 17 % avec un salaire supérieur à 20 000 francs.

Le secteur privé est composé de 46,5 % de femmes. Le salaire mensuel brut médian standardisé versé par les entreprises privées genevoises pour 40 heures de travail par semaine atteint 6478 francs pour les femmes et 7035 francs pour les hommes, soit un écart mensuel de 557 francs.

En 2010, la différence salariale entre les sexes est de 7,9 % dans le canton de Genève (contre 9,6 % en 2008) et de 18,4 % à l’échelon national (19,4 % en 2008).

La différence salariale est systématiquement en défaveur des femmes, mais elle varie en fonction du niveau des qualifications requises pour le poste de travail. La différence la plus grande concerne les salaires de postes à qualifications très élevées. A ce niveau, le salaire des femmes est de 2040 francs inférieur à celui des hommes.

Selon les branches économiques, la différence salariale à la défaveur des femmes peut fortement varier : elle est de 9 % dans l’hébergement et la restauration, 12,4 % dans le commerce de détail, 14,3 % dans les industries manufacturières, 22,8 % dans les activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture et d’ingénierie, et 26,6 % dans les services financiers et les assurances.

Les disparités salariales représentent, calculées en francs sur toute la durée de la vie professionnelle, une perte financière substantielle pour les ménages : plus de 260 000 francs en moyenne dans notre canton. La moitié de cet écart environ est explicable par des discriminations contre lesquelles la loi sur l’égalité (LEg) peut agir.

 

Impact des femmes sur la marche des affaires

Au-delà de l’aspect éthique de l’égalité entre hommes et femmes, il est utile de s’intéresser à l’influence concrète des femmes sur l’entreprise. De nombreuses études ont été conduites sur l’impact économique de leur présence, dont plusieurs montrent que la diversité permet d’améliorer la prise de décision, d’explorer de nouvelles opportunités du fait de systèmes de représentation différents, de s’adapter à la diversité des clients, de favoriser la créativité et d’améliorer la dynamique de groupe. Certains chercheurs expliquent cela par le fait que les femmes et les hommes se comportent différemment dans les organisations. Ce postulat est toutefois encore le sujet de vifs débats.

Le professeur Michel Ferrary[i] a, pour sa part, examiné en quoi la féminisation des grandes entreprises et de leur encadrement peut influencer leurs performances économiques et financières. Pour cela, il a utilisé un échantillon de grandes entreprises françaises cotées à la bourse de Paris sur la période de croissance économique et boursière 2002-2006 et sur la période de crise conjoncturelle 2007-2010. Sur ces deux périodes, l’étude démontre que les performances des entreprises qui présentent plus de 35 % de femmes, soit dans l’ensemble du personnel, soit dans les instances dirigeantes, sont supérieures.

tableau de comparaison des indicateurs économiques des entreprises en fonction du nombre de femmes présentes 

Le professeur Ferrary en conclut que « lorsqu’un groupe social, en l’occurrence les femmes, atteint une taille critique, alors cela a un impact réel sur la nature des interactions sociales au sein de l’organisation et, à terme, sur les performances de l’entreprise ».

 

Agir sur les conditions cadre

La thématique de l’égalité a tout d’abord été liée au respect d'engagements formels comme les droits humains ou la loi sur l’égalité. La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (LEg) reste cependant dénuée de processus obligatoire de contrôle par les autorités (sauf pour les entreprises soumissionnaires à des marchés publics). Une forte volonté politique existe cependant actuellement au niveau fédéral pour renforcer le rôle de contrôle de l'Etat, notamment concernant l'égalité salariale. Ainsi, en ce début 2014, la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a annoncé vouloir formuler des propositions d’outils, allant jusqu’à la mise en place d’une autorité fédérale dédiée.

 

Il faut aussi souligner que la jurisprudence existante pour la LEg depuis la fin des années 80 a favorisé le développement d'instruments permettant de prévenir et de contrôler efficacement certaines discriminations comme l'inégalité salariale ou le harcèlement sexuel.

Au-delà de l’aspect normatif, plusieurs actions peuvent être entreprises par la collectivité publique afin d'accroître le rôle des femmes dans l'économie. Assez logiquement, l’OCDE[ii] recommande par exemple aux communes et aux cantons d'augmenter leurs subventions visant à élargir l'offre d'accueil extrafamilial pour enfants en âge préscolaire et scolaire.

Il conviendrait également de supprimer la pénalité fiscale touchant les couples mariés, afin d’améliorer les conditions fiscales pour les époux exerçant tous deux une activité lucrative.

Enfin, l’OCDE estime que l‘introduction d’objectifs de parité pour les entreprises dans le Code suisse de bonne pratique pour le gouvernement d'entreprise[iii] (lien http://www.ecgi.org/codes/documents/swiss_code_feb2008_fr.pdf) permettrait d’induire une augmentation de la proportion de femmes dans la direction des entreprises. Il faudrait également accroître la proportion de femmes dans les conseils d’administration, soit en fixant des objectifs ambitieux dans le Code suisse, conjugués avec le principe du « Comply or Explain », soit en introduisant des quotas.

 

Outils à la disposition des entreprises

Beaucoup de grandes entreprises, surtout les multinationales, ont mis en place des programmes ou des unités spécialisées sur le thème de la diversité ou de l'égalité. Les entreprises disposant de moins de moyens pourront profiter des instruments mis à leur disposition par le Bureau de la promotion de l’égalité entre hommes et femmes (BPE). Celui-ci a démarré en 2013 une campagne de communication intitulée « 12 mois pour gagner avec l'égalité ! », dont le but est d'informer les employeurs des outils à leur disposition pour promouvoir la diversité et l'égalité entre femmes et hommes, et des intérêts qu'ils et elles peuvent retirer à s'engager sur ces thèmes.

Pour ce faire, un outil de conseil très complet est désormais accessible en ligne sur le site internet du BPE (www.ge.ch/egalite/entreprises). Par ailleurs, le BPE peut être sollicité en toute confidentialité par les services RH ou les directions pour faire le point sur leur situation ou identifier les démarches qui pourraient être mises en place en interne, selon les besoins.

Pour faciliter les démarches qui peuvent être menées en interne, le BPE soutiendra, en 2014, les PME qui souhaitent optimiser leurs pratiques, en participant au financement d'un « PME check », outil spécialement conçu pour les besoins des PME et pour les conditions qui y prévalent.

La Confédération, quant à elle, met à la disposition des entreprises des ressources financières pour faire avancer l'égalité entre femmes et hommes dans la vie professionnelle, comme le veut la loi fédérale sur l'égalité (www.hommes-et-femmes.ch).

Quelques autres outils existent encore :

Plateforme d'implémentation de l'égalité salariale en entreprise : A travers cette plateforme, la Conférence Suisse des Délégué-e-s à l'Égalité entre Femmes et Hommes (CSDE) souhaite montrer de manière pratique aux entreprises comment éviter les pièges de l'inégalité salariale, vérifier où elles se situent, résoudre les problèmes et être en conformité avec la loi en matière d'égalité salariale.

Logib, outil d'autocontrôle de l'égalité salariale Cet outil permet aux entreprises de 50 employé-e-s au moins de faire elles-mêmes le point sur leur politique salariale et de vérifier si l'égalité entre femmes et hommes est respectée.

Certification Equal-salary :  Equal-salary est une certification d'égalité salariale entre femmes et hommes. Elle opère en collaboration avec l'Observatoire universitaire de l'emploi (OUE) de l'Université de Genève, organisme spécialisé dans les questions liées au marché du travail.

Dialogue sur l'égalité des salaires :  Les organisations faîtières d'employeurs et d'employés et la Confédération ont lancé le Dialogue sur l'égalité des salaires pour permettre et inciter les entreprises suisses, les unités administratives et les institutions de droit public à vérifier que les salaires appliqués respectent le principe d'égalité des salaires. Si des inégalités sont constatées, elles doivent être éliminées dans les quatre ans.

Abakaba – L'égalité des salaires en pratique : Abakaba est une méthode qui permet l'évaluation scientifique du travail pour déterminer la valeur d'une fonction et donc établir la valeur comparative des différentes fonctions.

 




[i] Michel Ferrary, « Les femmes influencent-elles la performance des entreprises ? Une étude des entreprises du CAC 40 sur la période 2002-2006 », Travail, Genre et Sociétés n° 23 – Avril 2010

[ii] Examen de de l’OCDE sur la politique économique suisse en 2013

[iii] Datant de 2002, le Code suisse a été enrichi au fil des ans. Onze associations économiques faîtières en sont actuellement signataires.

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