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Infrastructures routières : les investissements sont-ils suffisants ?

CCIG
Posté le 24/04/2023
Articles de fond

Selon les prévisions de trafic de la Confédération, en l’absence de mesures correctives, quelque 450 kilomètres du réseau des routes nationales, soit environ 20 % de ce dernier, seront régulièrement surchargés d’ici 2040. Des extensions du réseau existant sont prévues, mais seront-elles suffisantes pour répondre aux besoins à venir ?

Les prévisions de l’Office fédéral des routes (OFROU) sont peu réjouissantes. En l’absence d’amélioration du réseau autoroutier existant, des embouteillages ou des ralentissements seront quotidiens et dureront entre deux et quatre heures sur près de 170 kilomètres en 2040. Les grandes villes et agglomérations sont les plus touchées par les goulets d’étranglement, et Genève est, comme on pouvait s’y attendre, en première ligne.

Afin de faire face à cette situation, le Conseil fédéral a approuvé le 22 mars 2023 le message concernant le développement du réseau des routes nationales. Concrètement, cela signifie que des projets d’extension du réseau des routes nationales à l’horizon 2030 vont être lancés pour 11,6 milliards de francs, en sus des montants nécessaires à l’exploitation et l’entretien de ces routes. Ces investissements s’inscrivent dans le cadre du Programme de développement stratégique des routes nationales (PRODES), visant à maintenir et développer ces infrastructures de mobilité incontournables pour le trafic de personnes et de marchandises.

 

Figure 1 : Développements futurs des routes nationales

 

Des infrastructures cruciales pour l’économie

Les routes nationales, bien que souvent décriées en raison des nuisances qu’elles induisent, restent des infrastructures absolument fondamentales pour l’économie. Avec 2255 km d’autoroutes, ce réseau national absorbe environ 40 % du nombre de kilomètres parcourus par le trafic routier privé et pratiquement 74 % du trafic routier de marchandises. L’évolution des kilomètres parcourus sur les routes suisses souligne également leur importance capitale : alors qu’ils ont augmenté de 38 % entre 1990 et 2019 sur l’ensemble du réseau routier, ils ont plus que doublé (+ 137 %) sur les autoroutes durant la même période[1].

Ainsi, le réseau autoroutier joue un rôle fondamental dans la desserte des pôles économiques en permettant un acheminement de marchandises point à point à un coût raisonnable. À Genève, l’autoroute A1 est fortement sollicitée et permet de relier l’agglomération au reste de la Suisse et au réseau autoroutier européen. Elle offre par ailleurs une amélioration importante de l’accessibilité des entreprises du canton pour leurs clients, fournisseurs et partenaires.

 

Développement du réseau

La situation de Genève, détentrice du titre de l’agglomération suisse la plus congestionnée depuis de nombreuses années, est préoccupante. Des travaux d’amélioration sont toutefois prévus sur l’autoroute A1, axe occupant une place stratégique dans le réseau routier genevois et servant de périphérique pour toute la partie ouest du territoire cantonal.

Dès 2026, des travaux seront initiés afin de réaliser une troisième voie sur le tronçon entre Genève-Aéroport et le Vengeron. Une nouvelle demi-jonction autoroutière, dite de Vernier Sud, sera également construite dès 2028 pour une mise en service en 2031. Ce nouvel aménagement routier, comprenant une bretelle de sortie en direction de Lausanne et une bretelle d’entrée en direction de la France, sera réalisé sur la rive droite du Rhône, entre le portail sud du tunnel de Vernier et le pont d’Aigues-Vertes. Il permettra de désengorger les jonctions de Meyrin et Vernier ainsi que la route de Peney, aujourd’hui fortement sollicitées par le trafic privé et professionnel. Par ailleurs, la Confédération recommande au canton la réaffectation permanente de la bande d’arrêt d’urgence entre la jonction de Bernex et le sud de la nouvelle demi-jonction, ce qui permettrait une amélioration importante de la fluidité sur ce tronçon fortement sollicité aux heures de pointe.

Dans son message du 22 mars dernier, le Conseil fédéral propose également d’élargir la route nationale à six voies (trois voies dans chaque direction) sur tous les tronçons entre l’échangeur de Perly et la jonction de Nyon. L’aménagement des tronçons de routes nationales concernés permettra de désengorger le réseau routier urbain et d’offrir de la marge de manœuvre au canton afin de favoriser les transports publics et la mobilité douce au cœur de l’agglomération. Conscient de l’urgence de la situation, le Conseil fédéral a affecté les projets d’extension concernés à l’horizon 2030. Espérons que le Parlement fédéral suivra l’exécutif afin que ces travaux bienvenus puissent être réalisés rapidement.

 

Figure 2 : Développements de l'autoroute A1 planifiés 


Perspectives à long terme

Afin de faire face aux goulets d’étranglement, l’OFROU mise avant tout sur une utilisation optimisée des infrastructures existantes. Il étudie notamment la possibilité de réserver une voie de circulation au covoiturage sur les tronçons autoroutiers à trois voies ainsi que sur les rampes d’entrée afin d’encourager l’augmentation du taux d’occupation des véhicules.  Une autre mesure à l’étude est la mise en place d’une tarification de la mobilité différenciée en fonction de l’heure et du lieu. Des projets, qui s’assimilent à ce stade à un péage urbain, seront en effet menés dans plusieurs cantons ces prochaines années. À Genève, une étude de faisabilité est en cours de réalisation.

Par ailleurs, l’OFROU suit également de près les développements de la conduite automatisée ainsi que la transformation numérique, qui feront évoluer profondément la mobilité dans les années à venir. À ce stade, ses principales conclusions indiquent toutefois que les véhicules automatisés mettent plus de temps que prévu à s’imposer dans le parc automobile : en 2050, 40 à 70 % des véhicules seront encore conduits par des êtres humains. Or, seul un fort taux de pénétration des véhicules automatisés dans le parc automobile permettra d’exploiter leur plein potentiel et, d’ici à 2050, ce taux ne sera pas suffisant pour éliminer les goulets d’étranglement qui sont à prévoir sur le réseau routier.

En ce qui concerne le transport de marchandises, il faut également prendre en compte le fait que le report possible sur le trafic ferroviaire est limité. L’OFROU estime que la capacité de délestage des routes nationales avec les développements ferroviaires prévus dans l’étape d’aménagement 2035 est de 0,5 % à 2 %. L’infrastructure routière restera par conséquent d’une importance capitale pour le trafic de marchandises à l’avenir.

Dans ce contexte, la poursuite du développement du réseau existant apparaît comme indispensable afin d’accompagner la croissance économique et démographique que connaît la Suisse. Sans ces efforts, l’économie risque de souffrir de goulets d’étranglements problématiques impliquant des rallongements des temps de parcours et un renchérissement important des coûts de transport de marchandises. Indirectement, c’est donc la compétitivité de la place économique suisse et genevoise qui est en jeu. En effet, une mobilité fluide des biens et des personnes constitue une condition cadre fondamentale de l’exercice économique, raison pour laquelle la CCIG milite pour un dimensionnement adapté des infrastructures de transport.

Quid de la grande traversée du lac ?

Le projet de contournement autoroutier Est de l’agglomération genevoise par une traversée du lac, approuvé par 62,8 % des Genevois en 2016, a pour la première fois été mentionné dans un message du Conseil fédéral. En revanche, il faudra attendre 2040 pour avoir une chance de voir ce projet ambitieux se concrétiser. Cette infrastructure majeure, soutenue activement par la CCIG, permettrait de désengorger le centre-ville et améliorerait significativement l’accessibilité de l’agglomération genevoise. 

 

[1] Rapport annuel « Trafic et disponibilité des routes nationales », consultable à l’adresse suivante : www.ofrou.admin.ch  

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