Ouverture des commerces : Une lueur d'espoir au bout du tunnel ?
Après plus d’une année de crise sanitaire qui a entraîné des fermetures à répétition, dopant ainsi le commerce en ligne et le tourisme d’achat, le commerce genevois est à la peine. Si l’on peut compter sur le dynamisme et la volonté des commerçants locaux pour rebondir, la réglementation actuelle en matière d’horaires et de jours d’ouvertures est un handicap réel pour les enseignes de la place. Dès lors, la récente proposition faite par le Conseil d’Etat d’autoriser l’ouverture des magasins trois dimanches par année et d'harmoniser les horaires d'ouverture représente un signal d’espoir, modeste mais nécessaire.
Conduite en 2018 auprès de quelque 6000 habitants du Grand Genève, l’étude « Consommation : les pratiques des habitants du Grand Genève décryptées » indique que la présence d’une frontière et de deux monnaies différentes exacerbe les spécificités d’une consommation par ailleurs caractéristique d’une dynamique métropolitaine classique, de type centre-périphérie. Les commerces des centralités urbaines, suisses mais aussi françaises, sont ainsi impactés par l’importante offre des ensembles commerciaux de périphérie du Genevois français les plus proches de la frontière. Au vu de ses 103 kilomètres de frontière avec la France, le canton de Genève est particulièrement exposé.
Les produits les plus achetés par les Suisses en France sont ceux pour lesquels le différentiel de prix est le plus élevé et l’offre la plus variée (les poissons et crustacés, la charcuterie et les viandes, les vins et alcools ainsi que les fromages et produits laitiers). En non-alimentaire, ce sont les équipements de sport ainsi que les revues et journaux.
Tourisme d’achat facilité par les horaires plus larges en France
Si le prix est donc le premier critère d’achats transfrontaliers pour les résidents suisses, devant la disponibilité du produit uniquement en France, il est important de relever qu’un quart des personnes sondées cite également le stationnement, les horaires et les jours d’ouvertures. Les commerces français de la zone frontalière peuvent en effet ouvrir les dimanches sans demande préalable. De fait, les plaques d’immatriculation genevoises sont nombreuses sur leurs parkings ces jours-là, mais les commerces du canton attirent aussi la clientèle française. Selon le rapport du Conseil d’Etat sur l’ouverture expérimentale de trois dimanches en 2019, les magasins genevois disposant de parkings avec identification des plaques ont enregistré, par rapport aux autres jours de la semaine, une très forte hausse du pourcentage de plaques françaises (33%) et vaudoises (8%).
Ouvrir les commerces trois dimanches par an
En 2016, les électeurs genevois ont accepté l’ouverture des commerces le 31 décembre et trois dimanches par année, sous condition de l'existence d'une convention collective de travail (CCT) étendue dans le secteur. En 2019, le peuple s'est à nouveau prononcé en faveur de l'ouverture de trois dimanches par an même en l’absence d’une convention collective étendue, pour une période expérimentale de deux ans.
Aujourd’hui, le Conseil d'Etat entend remédier à l’absence durable de CCT et propose de pérenniser cette possibilité et d’harmoniser les horaires de fermeture à 19h00, à l'exception du vendredi, où elle serait maintenue à 19h30. La nocturne du jeudi disparaîtrait alors.
La démarche expérimentale conduite en 2019 s’est soldée par un bilan tout à fait positif pour les commerces qui l’ont mise en œuvre. Selon leurs représentants, « aux yeux des commerçants, ce premier test sur trois dimanches est indéniablement un grand succès. » Aucune dilution du chiffre d’affaires ni de la fréquentation n’ont été constatées ; l’impact direct a été positif sur l’activité des commerces.
Même si le commerce de détail ne dispose actuellement plus d’une convention collective de branche, les conditions de travail du personnel de vente ne seront pas impactées par le projet de loi car le cadre légal est strict. La loi fédérale sur le travail plafonne en effet les horaires hebdomadaires à 45 heures et la plupart des CCT d’entreprises, soit les grands groupes de vente, prévoient 41 heures. De plus, le personnel de vente travaillant le dimanche voit son salaire doublé s’il n’est pas compensé en temps de repos.
Un secteur clé pour des lieux clés
Il faut également rappeler ce que représente le commerce de détail. En 2018, ce dernier employait près de 18'000 personnes, soit environ 5% des emplois du canton. Derrière ces 18'000 emplois se cachent des femmes, des hommes, des patrons, des employés, leurs familles et leurs projets de vie.
Ce secteur aujourd’hui à la peine est le cœur battant du canton et du centre-ville. Le projet de loi du Conseil d’Etat donne une bouffée d’oxygène bienvenue et ce non pas seulement pour le chiffre d’affaires mais aussi pour une notion devenue rare : la prévisibilité. C’est un premier signe qui permet aux commerçants d’apercevoir, après les ténèbres, la lumière. Mais ce n’est là que le début d’un long parcours d’étapes nécessaire en vue de redynamiser le centre-ville. Ce premier jalon pose un choix de principe : favoriser de vrais lieux de vie ou créer des mémoriaux de cette période Covid.
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